Prairies humides thermo-atlantiques (1410)

INTITULE OFFICIEL DE L’HABITAT :

Prairie subhalophile thermo-atlantique

 


L’une des plus belles par celles de ce type en prairie de l’Anglée (Saint Savinien) - Photo : E. Champion

 

STATUT

Au niveau européen

  • Annexe I de la Directive Habitats

 

En région Poitou-Charentes

  • Valeur patrimoniale régionale :
  • Niveau de Rareté :
  • Niveau de Menaces : 

 

REPARTITION

  • Sur le site Natura 2000 : Habitat aujourd’hui localisé à la partie aval du couloir fluvial, entre Taillebourg et Saint-Savinien. Voir la carte de répartition
  • Sur les autres sites Natura 2000 français : CARTE  (source : fiche du Cahier d’habitats)

 

PHYSIONOMIE-ECOLOGIE

L’habitat se présente comme une prairie vivace haute et dense constituée d’hémicryptophytes et de géophytes ; les espèces dominantes appartiennent aux familles des Poacées, des Cypéracées - la Laîche divisée Carex divisa est une des espèces emblématiques de l’habitat - et des Fabacées (le genre Trifolium, avec près de 10 espèces, est exceptionnellement bien représenté) ; les Apiacées (2 espèces du genre Oenanthe) et les Renonculacées peuvent être aussi abondantes.

La phénologie varie selon la position topographique et la crue annuelle mais, en conditions moyennes, le pic végétatif est atteint entre fin mai et mi juin.

La variabilité de l’habitat s’effectue surtout en fonction de l’hydromorphie des sols, elle-même étroitement dépendante de la micro-topographie ; le type de gestion agricole (fauche/pâturage, intensité du piétinement) influe également sur la composition végétale :

  • en conditions moyennes - méso-hygrophiles - se développe la communauté à Trèfle maritime et Oenanthe à feuilles de silaus (TRIFOLIO SQUAMOSI-OENANTHETUM SILAIFOLIAE) pour les prairies fauchées et la communauté à Laîche divisée (CARICI DIVISAE-LOLIETUM PERENNIS) pour les parcelles pâturées ;
  • en conditions plus hydromorphes (dépressions, bords de mares cynégétiques), on observe la communauté à Renoncule à feuilles d’ophioglosse (RANUNCULO OPHIOGLOSSIFOLII-OENANTHETUM FISTULOSAE) remplacée, en cas de fort piétinement, par un groupement à Menthe pouillot (RANUNCULO OPHIOGLOSSIFOLII-MENTHETUM PULEGII).

La prairie subhalophile thermo-atlantique se développe de façon optimale sur les sols argileux saumâtres des grands marais arrière-littoraux ; de la façade littorale, elle pénètre dans le couloir fluvial de la Charente qu’elle remonte jusqu’à la l’extrême limite amont des influences halophiles provoquées par les débordements du fleuve lors des crues.


Bien que cette limite se situe aujourd’hui aux environs de Taillebourg, il est probable que dans le passé elle se situait plus en amont encore, avant que le barrage de St Savinien ne vienne bloquer les remontées d’eau saumâtre. Elle prospère dans les parcelles gérées par la fauche ou le pâturage traditionnels mais s’appauvrit ou disparaît en cas d’intensification (sursemis, charge pastorale inadaptée, mise en culture, abandon..).

 

ESPECES INDICATRICES

Monocotylédones :

  • Gaudinie fragile, Gaudinia fragilis
  • Jonc de Gérard, Juncus gerardii
  • Laîche divisée, Carex divisa
  • Vulpin bulbeux, Alopecurus bulbosus

Dicotylédones :

  • Gaillet fragile Galium debile
  • Menthe pouillot Mentha pulegium
  • Oenanthe à feuilles de silaus Oenanthe silaifolia
  • Oenanthe fistuleuse Oenanthe fistulosa
  • Renoncule à feuilles d’ophioglosse Ranunculus ophioglossifolius
  • Renoncule sarde Ranunculus sardous
  • Séneçon aquatique Senecio aquaticus
  • Trèfle étalé Trifolium patens
  • Trèfle de Micheli Trifolium michelianum
  • Trèfle maritime Trifolium squamosum
  • Trèfle résupiné Trifolium resupinatum


L’Oenanthe fistuleuse, une espèce caractéristique de ce type de prairies (photo : E. Champion)

 

VALEUR BIOLOGIQUE ET ESPÈCES ASSOCIÉES

L’intérêt floristique de la prairie subhalophile thermo-atlantique du val de Charente est remarquable car elle constitue le biotope de plusieurs plantes rares ou menacées au niveau national - Renoncule à feuilles d’ophioglosse (protégée au niveau national) - ou régional : Trèfle de Micheli, Inule d’Angleterre Inula britanica, Trèfle étalé, Orchis à fleurs lâches Orchis laxiflora.

Dans certaines parcelles privilégiées et à gestion extensive (fauche tardive), le cortège peut même s’enrichir d’espèces plus caractéristiques des prairies alluviales du cours moyen de la Charente (entre Saintes et Cognac) : Gratiole officinale Gratiola officinalis (protégée au niveau national), Fritillaire pintade Fritillaria meleagris.



La Fritillaire pintade se raréfie dans les prairies sous l’effet de l’intensification des pratiques (photo : E. Champion - St Savinien 2008)

 

 

MENACES

La menace essentielle réside dans un changement de gestion agricole, qu’il s’agisse d’une intensification ou d’une mutation radicale.

L’intensification peut prendre des visages très divers mais qui, tous, appauvrissent le cortège végétal caractéristique de l’habitat, voire, dans certains cas, le font « basculer » vers un type de prairie trop artificialisé pour pouvoir être encore référé à l’habitat 1410 : sursemis à intervalles de temps réguliers d’espèces fourragères (Dactyle, Ray-grass anglais, Trèfle rouge, Trèfle blanc, Grande Fétuque) qui rentrent en compétition avec les espèces d’origine, fertilisation excessive (la prairie est enrichie régulièrement par les crues annuelles qui déposent limons et matières organiques) qui sélectionne les espèces en favorisant les plantes les plus exigeantes, modification du calendrier de gestion (fauche trop précoce, dès le mois de mai, qui ne permet pas à la majorité des plantes de boucler leur cycle végétatif), surpâturage (par augmentation du nombre de bêtes ou allongement de la durée de pâture) etc.

Le retournement de la prairie et sa transformation en culture céréalière (maïs le plus souvent) est une atteinte très grave car, dans le meilleur des cas, la restauration de l’habitat d’origine après cessation d’exploitation nécessitera des décennies avant qu’un cortège végétal complet puisse être à nouveau présent.

Habitat héliophile par excellence, la prairie subhalophile ne résiste pas non plus à la plantation de peupliers dont l’ombrage va rapidement provoquer un étiolement, puis la disparition des espèces caractéristiques.

L’abandon de toute gestion exportatrice - fauche ou pâturage - ne constitue pas non plus une voie souhaitable car elle entraine une dérive dynamique vers des stades pré-forestiers.

 

ÉLÉMENTS DE GESTION

La gestion optimale de la prairie subhalophile thermo-atlantique repose sur une exploitation herbagère « traditionnelle » telle qu’elle est stipulée dans les contrats des mesures agri-environnementales et, notamment, dans les contrats PC_MACH_HE2 ou PC_MACH_HE3 pour les parcelles en prairies permanentes à forte valeur biologique : absence totale d’apport de fertilisants minéraux (NPK) et organique (y compris compost, hors restitution par pâturage), respect d’un chargement moyen annuel maximal de 1,4 UGB / ha sur chaque parcelle engagée, absence de pâturage et de fauche pendant la période du 15 décembre au 15 mars, respect de l’interdiction de fauche avant le 10-15 juin.

 

 

En savoir plus...

-  Fiche générique du Cahier d’Habitats National

 


Auteur : Jean Terrisse - LPO 2008
Crédit photographique : Emmanuelle CHAMPION, Jean TERRISSE
Cartographie SIG : Jean TERRISSE - LPO 2008